LES LIVRES PAUVRES A LA CHAPELLE SAINTE-ANNE

 

Une exposition consacrée à Sainte-Anne, voilà qui peut intriguer…

Cette exposition vise d’abord à occuper et à saluer un lieu qui est devenu aujourd’hui un très actif espace culturel qui, sur trois niveaux, se veut à l’intersection des arts contemporains, mais qui fit partie jadis du Prieuré Sainte-Anne dont ne subsistent que quelques restes de la présente Chapelle. Egalement sis à La Riche, on connaît le plus florissant et préservé Prieuré de Saint-Cosme dont le poète Pierre de Ronsard fut le prieur de 1565 à 1585. Si Saint-Cosme était réservé aux hommes, Sainte-Anne accueillait des femmes. Ronsard y fit-il quelques visites ? On peut toujours rêver.

La Chapelle Sainte-Anne dont toutes les expositions suscitent de très travaillées mises en espace (et souvent en musique) a déjà accueilli, il y a quatre ans, certains « livres pauvres » (on appelle ainsi des feuilles de papier pliées où, à très peu d’exemplaires, l’écriture manuscrite d’un poète aimante l’intervention originale d’un artiste, hors de tout circuit commercial). Alors que les « livres pauvres » (« pauvres » en raison du peu d’investissement financier qu’ils nécessitent, mais « riches » à la mesure de l’osmose qui résulte de la confrontation entre écriture et peinture) sont souvent présentés sous des vitrines protectrices, la Chapelle Sainte-Anne les présente librement, sans barrière, au sein de tableaux, d’installations et de photographies prêtés par les artistes pour leur faire escorte. C’est donc pleine fête pour l’œil et pour l’esprit.

Le Prieuré de Saint-Cosme a organisé, entre 2003 et 2011, de mémorables expositions aux livres pauvres et continue d’en montrer certains exemplaires en dépôt. La Chapelle Sainte-Anne prend désormais un relais généreux et heureux.

« Sainte-Anne » est le nom de la collection pour laquelle ont été réalisés près de 80 livres. Les artistes se sont pour la plupart référés à la mère de la Vierge Marie. Anne, longtemps stérile, ne put donner naissance à une fille que très tardivement. Et cette fille donnera naissance à l’Enfant Jésus, suscitant le thème iconographique chrétien de « Anne trinitaire ».

Sans se soucier trop d’interprétations théologiques diverses, les artistes du livre pauvre ont créé de libres partitions où les mots ont peu glissé de Anne à « âne » (Rimbaud le fit dans son poème Fêtes de la faim) sans craindre quelque bonnet punitif.

Thématique certes, l’exposition  se veut aussi et surtout festive et libre. Elle regroupe, en tout cas, les plus grands noms de la poésie francophone (la circulation sonore de tous les poèmes innervera la Chapelle) et une pléiade d’artistes internationaux (l’Australie, le Japon, la Grèce, la Suède, l’Allemagne, la Suisse, la Belgique et le Royaume-Uni sont au rendez-vous).

Laissons donc Rimbaud bousculer notre cher Ronsard en décrétant :

« Ma faim,  Anne, Anne !

Fuis sur ton âne »

 

Daniel Leuwers