du 11avril au 10 mai / Summerland / exposition de Cécile Ravel

Summer-carton-fin1-1

Summer-carton-fin1 (3v)-2

Summerland-Veilleurs

Summerland-salle-DormeursSummerland-MuesSummerland-Harde02Summerland-DormeursSummerland-choeur2Summerland-Bornes01

Photos de CECILE RAVEL : exposition « summerland » Chapelle Sainte Anne

Summerland (le Pays de l’Été) est un territoire où animalité et humanité entretiennent des relations ambiguës et dans lequel les frontières entre les espèces sontbrouillées.La métamorphose gouverne ainsi ce lieu où des croisements et des échanges (de chemin, de regard et de peau) s’opèrent. Chacun perd une partie de son essence pour revêtir celle de l’autre, les corps se dépouillant pour mieux s’incarner, se rencontrer. En effet, dans cette exposition, la chimère évoquera cette dualité à mi chemin entre un état initial et sa quête de l’autre, au jaillissement même de la confusion et de la transfiguration, cette étreinte et ce transfert où deux corps sont soudainement indistincts.C’est aussi parce que dans la forêt où débattent sans cesse l’ombre et la lumière, c’est la suspension et l’affût qui révèlent les corps et les saisissent. Le passage relevant inévitablement beaucoup plus de l’apparition, toute présence se charge alors d’inquiétante étrangeté. Ainsi sont suggérées des mues dans l’épaisseur de la forêt qui jalonnent Summerland de fossiles et de vestiges suspendantle temps, questionnant l’espace et l’authenticité des corps. Car Summerland, c’est autant la forêt que son extension dans la Chapelle Sainte-Anne, c’est autant un territoire géographiquement défini qu’un paysage fabulé, c’est autant un espace de projection qu’un lieu de représentation, ce sont les portes imaginaires qu’ouvriront ces passeurs hybrides entre les œuvres et leur déploiement dans l’espace et le temps, où chaque franchissement est gage d’une trace. Les dépouilles deviennent alors tout autant des repères que des glissements, des bribes chimériques, des fragments de fiction, des échos questionnant la réalité et l’orée de ce territoire ensommeillé qu’est Summerland. Pays de l’Été car c’est aussi la saison qui incarne, en prémices de l’automne, cet état de stase où l’équilibre serait atteint dans le cycle des transformations, avant les orages, la période du rut chez les cervidés, la coloration et la chute des feuilles pour la végétation. Ce moment de plénitude éphémère qui caractérise l’été, d’indolence et de sensualité, mais qui garde latent les cycles à venir de combat, de mort, de travail et de nouvelles transformations. Le terme Summerland est choisi en anglais car il fait écho à Slumberland, pays imaginaire parcouru en rêve chaque nuit par Little Nemo, petit garçon héros de bande dessinée de Winsor Mac Cay au début du XXème siècle. Avec sa capacité singulière à faire douter le réel, à déplacer les normes, l’enfant colorera en partie ce monde où l’hybridation, à la fois bienveillante et inquiétante, incarne sa propre transformation, cet état en devenir qu’est l’enfance. La Chapelle Sainte Anne, architecture du XVIème siècle, est le lieu où s’épanouit Summerland et dans laquelle les oeuvres qui en témoignent se répartissent sur 3 niveaux (cave, choeur et combles).

Le choeur chargé de reliefs, de putti, d’ornements est un vestibule à l’entrée de Summerland, où les métamorphoses (Bornes *) s’inscrivent dans le cadre festonné et domestiqué des jardins maniéristes et baroques.

 

Ce premier seuil laissera ensuite place à un espace plus sauvage, colonisé par les oeuvres : autant de masques* porté par la Chapelleque par les êtres présents ou suggérés de Summerland, autant de dépouilles circulant entre les oeuvres qu’entre les salles…

 

Le décalage, le glissement est donc aussi fictif que manifeste dès l’instant où les oeuvres tentent de former des parenthèses avec le lieu, c’est-à-dire une digression, l’extension d’un monde isolé dans la continuité du réel dans lequel elles s’inscrivent. L’aspect cyclique de l’architecture de la Chapelle prendra sens selon le principe de l’anadyplose qui régit les oeuvres les unes par rapport aux autres. Comme une sorte de cadavre exquis, chaque pièce est une altération, une mutation de la suivante.

 

Le parcours entre les oeuvres est plus de l’ordre de la reconstitution mentale d’une progression possible. L’exposition consiste à explorer un territoire dont la topographie prend sens à force de cheminements répétés comme une divagation en forêt sans boussole, où l’on s’aide d’indices tels que les traces d’animaux et leurs pistes, et de la disposition des mousses pour  pouvoir s’orienter. Les dépouilles et les mues sont ces sillons proposant plusieurs directions et déplacements possibles dans l’espace. Ils relient l’intégralité des pièces et incitent à les appréhender depuis différents points de vue et positionnements. Le dialogue entre les productions elles mêmes et les liens qu’elles suggèrent avec l’architecture de la Chapelle éclaireront donc peu à peu le rôle et la place de chaque objet dans la configuration du territoire.

 

Le « puits » de la chapelle, investi par deux lits (l’un en haut, l’autre en bas) articule ce pays(age) somnolant et hybride, entre pieds et ciel, où le spectateur est sans cesse rappelé ailleurs, l’exposition le prenant à parti pour mieux le perdre : des pièces tenteront de le tirailler entre le haut ou et le bas, l’exposé ou ou le voyeur, l’observé ou le guetteur…etc

 

Les choix d’accrochages et les différentes techniques utilisées justifient cette double circulation à la fois entre les oeuvres elle-mêmes et celle des spectateurs au coeur même de la chapelle : porosité permanente entre les techniques et l’espace, échanges, contamination des états et des pratiques. Dessins, céramiques, plâtre et papier mâché, films, installations vidéos, mobilier : autant de pratiques que de traces qui circulent de l’une à l’autre, le dessin à la pierre noire ou au fusain venant imprégner ou requalifier l’ensemble des supports et déplacer, recadrer la fiction.

 

Dans l’élaboration même de ce travail et son processus, cette circulation et cette redéfinition de chaque objet et de chaque support s’est opérée continuellement : la rencontre entre deux techniques à travers l’expérimentation donnant naissance à de nouvelles formes, à des interrogations permanentes sur l’outil, le statut des réalisations, leurs relations aux autres productions.

 

*OEUVRES :

 

Bornes

 

(encre, fusain, pierre noire sur papier)

 

Veilleurs

 

(fusain sur papier)

 

Mues

 

(Masques : encre sur papier ou plâtre, papier mâché ; Pattes : terre cuite)

 

La Harde

 

(installation, encre sur papier)

 

Actéon

 

(installation : triptyque vidéo + céramique)

 

Cartographies

 

(encre sur papier)

 

Passages

 

(installations : lits + vidéo projection)

 

Éclaireurs

 

(tirage photographique numérique couleur)

 

Cartels

 

(tirage photographique argentique noir et blanc)

 

Summerland

 

(film couleur et noir et blanc, sonore, )

 

Summerland

 

(création sonore spatiale)

 

Paysage au hasard de la sieste

 

(diptyque, vidéo et pierre noire sur toile)